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Le Seiðr : Magie nordique entre divin, chamanisme et transgression

  • Photo du rédacteur: Adrien Balayan
    Adrien Balayan
  • 7 août
  • 4 min de lecture
une volva, sur un champs de bataille, un sceptre rituel a la main, le flux magique emane de sa main

La mythologie nordique fascine par ses dieux puissants, ses épopées héroïques, ses monstres titanesques… Mais un de ses aspects les plus mystérieux et profondément spirituels reste le seiðr (ou seidr), forme de magie ancienne liée au destin, à la transe, et à l’influence occulte sur le monde.

Derrière le voile des runes et des prophétesses se cache un art sacré, dangereux, et profondément transgressif, dont les racines plongent aux origines des dieux et dont l’empreinte subsiste encore dans certaines traditions païennes modernes.


Origines et définition du seiðr, la Magie Nordique

une volva tenant un baton, ambiance sombre, des filament autour

Le mot seiðr dérive de l’ancien norrois, sans étymologie parfaitement claire, mais souvent associé à des concepts de filage ou de tissage, métaphores fréquentes dans la mythologie pour désigner le tissage du destin.

Le seiðr est une forme de magie visionnaire et manipulative. Il permet de :

  • voir le futur, lire les fils du destin (Urðr),

  • influencer les événements, provoquer maladie ou prospérité,

  • créer des illusions, se rendre invisible,

  • communiquer avec les morts ou les esprits,

  • ou encore voyager en esprit, sous forme de transe ou d’extase.

Cette magie Nordique est souvent décrit comme une magie féminine, associée à la volva (prophétesse), mais aussi comme une pratique efféminante et taboue pour les hommes, car elle impliquait la perte de contrôle et des rites considérés comme contraires à l’honneur guerrier masculin.


Freyja, la déesse-mère du seiðr

une jeune femme rousse, tenant un sceptre enflammé, son autre main s enflamme aussi

C’est Freyja, déesse Vane de l’amour, de la fertilité, mais aussi de la mort et de la sorcellerie, qui est la grande initiatrice du seiðr. Selon la Ynglinga saga de Snorri Sturluson :

"Freyja était la première à enseigner le seiðr aux Ases."

Originaire du peuple des Vanes, plus ancien, plus proche de la nature et des cycles de fertilité, Freyja incarne une magie sauvage, puissante, ambivalente. Elle est maîtresse de la sorcellerie, du désir, des morts, recevant la moitié des guerriers défunts dans son domaine de Fólkvangr.

Elle transmet le seiðr à Odin, qui, malgré son statut masculin et royal, choisit de transgresser les normes sociales pour accéder à ce pouvoir interdit.


Odin et le seiðr : sagesse contre honneur

une pretresse volva, dansant devant un feu, des flux d'energie magique. Odin en fond

Dans le Hávamál, poème où Odin livre ses savoirs occultes, on découvre qu’il a appris neuf chants puissants d’un géant (Lóðurr), et dix-huit charmes magiques, dont certains sont liés à la guérison, la manipulation, l’amour, et la victoire.

Mais c’est dans la Ynglinga saga que Snorri explicite la pratique du seiðr par Odin :

"Il savait le seiðr, qui lui permettait de connaître l’avenir, de provoquer la mort ou la maladie, de retirer l’intelligence ou la force à quelqu’un et de la donner à un autre."

Cependant, Snorri ajoute que cette pratique était jugée honteuse pour les hommes, car elle impliquait de s'abandonner à des états de passivité spirituelle, à des rituels travestis ou érotiques, jugés infâmants selon l’éthique guerrière.

Odin, pourtant père des dieux et maître des runes, choisit de sacrifier son honneur viril pour obtenir le pouvoir du seiðr, preuve de son obsession pour la connaissance absolue, même au prix de la transgression.


Pratique du seiðr : rites, rôles et symboles

une volva et une jeune fille executant un chant rituel

La volva (ou seiðkona) est la figure centrale de la pratique du seiðr. C’est une prophétesse, souvent âgée, respectée, voire crainte. Elle pouvait voyager de village en village pour livrer ses visions, soigner, ou jeter des sorts.

Un exemple célèbre se trouve dans la Saga d'Erik le Rouge, où une volva nommée Thorbjorg est invitée pour prédire l’avenir :

  • Elle porte un manteau orné de pierres précieuses, une canne d'argent à pommeau,

  • Elle est installée sur une plateforme élevée,

  • Le rituel implique chants (varðlokur) et sacrifices alimentaires,

  • Une jeune fille vierge l’assiste dans ses incantations.


La pratique du seiðr nécessitait souvent :

  • la transe (induite par le chant, les drogues, les danses, ou la méditation),

  • des objets magiques (bâton, manteau, perles, masques…),

  • des chants magiques (galdrar),

  • parfois l'intervention d’esprits ou d’animaux-guides (comme les fylgjur).

Certains praticiens étaient appelés seiðmenn (hommes du seiðr), bien qu’ils soient rares et souvent stigmatisés. Leurs pratiques étaient liées à des arts sombres ou mal vus (maladies, illusions, malédictions).


Vestiges du seiðr dans les traditions païennes modernes

un groupe de femme et un vieillard, possiblement Odin, executant un rituel autour d'un feu

Avec la christianisation de la Scandinavie, le seiðr fut diabolisé et interdit. Mais des échos de cette magie ont survécu dans :

  • les traditions populaires scandinaves : contes de sorcières, pratiques de divination, chants runiques, herboristerie…

  • la magie runique moderne, inspirée de l’Edda et des découvertes archéologiques,

  • le néo-paganisme nordique (Asatru, Forn Sed), où le seiðr est réinterprété comme art chamanique ou spirituel.

  • la sorcellerie moderne (wicca nordique, sorcellerie traditionnelle scandinave) : usage du galdr (chant magique), des symboles runiques, et des rituels de transe ou de divination.

Certaines pratiques modernes de seiðr incluent des voyages chamaniques, des oracles runiques, ou encore des rituels communautaires où des praticiens montent en transe pour consulter les esprits et répondre aux questions du groupe, comme dans les anciens rites de la volva.


Conclusion : le seiðr, magie du seuil et du secret


Le seiðr occupe une place unique dans la mythologie nordique : magie du destin, du féminin, de la transgression et de l’extase, il mêle le pouvoir divin à la fragilité humaine. Entre Freyja la séductrice et Odin le transgresseur, il trace une voie mystique et périlleuse, entre lumière prophétique et ombre maléfique.

Aujourd’hui encore, cette magie inspire les chercheurs, les païens, les artistes — preuve que les fils tissés par le seiðr continuent de vibrer à travers les âges.

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