Odin et le vol de l’hydromel poétique : la quête divine de l’inspiration
- Adrien Balayan
- 1 août
- 3 min de lecture
Parmi les nombreuses ruses et aventures du Père de Tout, le vol de l’hydromel poétique est l’une des plus fascinantes. Elle mêle trahison, magie, métamorphoses et séduction. Mais surtout, elle révèle un aspect fondamental d’Odin : sa soif inextinguible de connaissance et sa volonté de l’acquérir à tout prix.
L’origine de l’hydromel
L’hydromel poétique (skáldskaparmjöðr) est une boisson sacrée, capable de conférer à quiconque la sagesse, l’éloquence et le don de poésie. Son origine remonte à l’après-guerre entre les deux clans divins : les Ases et les Vanes. Pour sceller la paix, les dieux des deux camps crachèrent dans un récipient commun. De cette salive naquit un être nommé Kvasir, un homme d’une sagesse incomparable.

Kvasir parcourait les mondes, enseignant la connaissance à tous. Mais il fut assassiné par deux nains, Fjalar et Galar, qui mélangèrent son sang avec du miel pour créer l’hydromel magique. Trois chaudrons contenaient désormais ce breuvage sacré, caché dans une montagne, sous la garde d’une géante nommée Gunnlöð, fille du géant Suttung, à qui les nains avaient cédé l’hydromel pour échapper à la mort.

La ruse d’Odin pour le vol de l’hydromel poétique

Odin, apprenant l’existence de l’hydromel et ses pouvoirs, élabore un plan pour s’en emparer. Il se déguise en simple vagabond, parcourt les terres des géants et se fait engager comme ouvrier chez Baugi, frère de Suttung. Il tue secrètement les travailleurs de Baugi et propose ses services à leur place, demandant comme paiement une gorgée d’hydromel. Suttung refuse catégoriquement, mais Odin ne renonce pas.
Il persuade Baugi de percer la montagne avec une mèche magique. Lorsqu’un tunnel est ouvert, Odin se transforme en serpent et se glisse dans la cachette. Là, il rencontre Gunnlöð.
Séduction et trahison

Odin séduit Gunnlöð et reste trois nuits avec elle. En échange de son amour, elle lui accorde trois gorgées de l’hydromel. Mais Odin boit les trois chaudrons entiers, un exploit digne d’un dieu. Puis, se transformant en aigle, il s’envole vers Ásgard avec le précieux nectar.

Suttung, découvrant le vol, le poursuit lui aussi sous forme d’aigle. La course est haletante, mais Odin parvient à rejoindre le royaume des dieux. Il régurgite l’hydromel dans des récipients préparés à l’avance.

Une petite partie, cependant, tombe hors des vases, c’est ce qu’on appelle le "crachat des mauvais poètes", réservé aux médiocres.
Un vol pour les élus

Une fois en possession de l’hydromel, Odin en donne une partie aux dieux, mais surtout, il en offre à ceux qu’il juge dignes : les poètes, les scalds, les visionnaires. Ainsi, l’inspiration artistique, le don du langage, le feu sacré de la parole deviennent un cadeau volé, transmis à l’humanité par un dieu rusé et sans scrupules.
Mais ce vol n’est pas une simple ruse : il illustre la nature sacrificielle d’Odin, qui est prêt à se travestir, séduire, mentir et risquer sa vie pour transmettre le pouvoir des mots, car dans le monde nordique, la poésie est une magie, une force créatrice, une puissance divine.
Conclusion
Le vol de l’hydromel poétique est une légende fondatrice. Elle rappelle que le savoir n’est pas donné, mais conquis, souvent de manière ambiguë, parfois injuste, toujours puissante. Odin n’est pas un dieu parfait, mais c’est précisément son audace, sa ruse, et sa quête acharnée de sagesse qui le rendent si fascinant.








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