Hel, déesse des morts dans la mythologie nordique : entre ombre et pouvoir
- Adrien Balayan
- 25 août
- 4 min de lecture

Au cœur des mythes nordiques, où se côtoient dieux flamboyants, guerriers valeureux et géants redoutés, s’élève une figure bien différente : Hel, la souveraine du royaume des morts. Ni lumineuse comme Baldr, ni farouche comme Thor, elle règne sur un domaine glacé, silencieux et inexorable. Fille du rusé Loki et de la géante Angrboda, sœur du loup Fenrir et du serpent Jörmungandr, Hel incarne la face sombre mais nécessaire de l’univers viking : celle de la fin de toute chose.
Souvent mal comprise, parfois diabolisée par les chroniqueurs chrétiens, Hel n’est pas une déesse malveillante. Elle est la gardienne d’un ordre cosmique, accueillant dans son royaume ceux qui meurent loin des champs de bataille, veillant à ce que nul ne rompe les lois immuables du destin.
Découvrons son origine, ses pouvoirs, son rôle dans les événements du Ragnarök, une légende méconnue où elle apparaît en souveraine active, et son héritage dans l’imaginaire moderne.
Origines et filiation

Hel est la fille de Loki, le dieu rusé et changeant, et de la géante Angrboda, maîtresse des marais de Jötunheim. Ses frères sont deux autres figures terrifiantes : Fenrir, le loup monstrueux, et Jörmungandr, le serpent de mer qui encercle le monde. Snorri Sturluson, dans la Gylfaginning (Edda de Snorri), raconte qu’Odin, craignant ces enfants voués à la ruine des dieux, les fit disperser :
Jörmungandr fut jeté dans l’océan.
Fenrir fut élevé à Ásgard avant d’être enchaîné.
Hel fut précipitée au Niflheim et reçut l’autorité sur ceux qui meurent de maladie ou de vieillesse.
Hel n’a pas de descendance connue, et les textes ne mentionnent pas d’époux ou d’amours, ce qui la distingue de nombreuses autres figures divines. Elle est une souveraine solitaire, entièrement vouée à sa fonction.
Attributions, pouvoirs et artefacts

Hel règne sur Helheim, le royaume froid et brumeux des morts non tombés au combat — à l’opposé du Valhalla d’Odin ou de Fólkvangr de Freyja. Les guerriers morts glorieusement vont chez les dieux, mais les âmes des malades, des vieillards ou des malchanceux glissent sous son autorité.
Son apparence :
Les sources décrivent Hel comme à demi vivante, à demi cadavérique :
Son corps est partagé en deux couleurs : une moitié d’un visage et d’un corps beaux et vivants, l’autre livide, noire ou bleuâtre comme un cadavre.
Ses pouvoirs :
Elle est inflexible : nul ne quitte son royaume sans son accord.
Elle décide de l’accueil ou du rejet des âmes, contrôlant leur repos ou leur errance.
Elle peut envoyer des messagers dans le monde des vivants (comme dans le récit de Baldr).
Ses attributs :
Contrairement à Thor avec Mjölnir ou Odin avec Gungnir, Hel n’a pas d’arme connue. Elle possède cependant une halle majestueuse nommée Élivítnir, où les trônes et les lits portent des noms sinistres : « lit de maladie », « faim », « retard ». Ces appellations soulignent son règne sur la décrépitude et la fin inévitable.
Son rôle dans la mythologie nordique

Hel apparaît surtout dans les récits autour de la mort de Baldr, le fils bien-aimé d’Odin et Frigg. Après avoir été tué par Höd, manipulé par Loki, Baldr descend dans le royaume de Hel. Hermóðr, frère de Baldr, chevauche jusqu’au Helheim pour supplier Hel de libérer l’innocent.
Hel consent à une condition : si toutes choses dans le monde pleurent Baldr, il pourra revenir.
Presque tout l’univers pleure, sauf une géante — en réalité Loki déguisé — qui refuse. Baldr reste donc prisonnier du royaume des morts jusqu’au Ragnarök.
Ce récit illustre le caractère juste mais inflexible de Hel : elle ne rompt pas son serment ni sa fonction cosmique, même pour le plus pur des dieux.
Hel et le Ragnarök

À la fin des temps, lors du Ragnarök, Hel enverra ses armées de morts :
Les navires des damnés, faits d’ongles des morts (le terrifiant Naglfar), vogueront vers les dieux.
Fenrir et Jörmungandr combattront aux côtés de Loki.
Baldr et Höd, eux aussi dans son royaume, reviendront après le chaos pour régner sur le monde nouveau.
Hel n’est pas décrite comme combattante directe, mais son royaume fournit les forces infernales qui submergent l’ordre ancien.
Une légende moins connue : la querelle d’Hel et de Garmr

Peu de récits détaillent la vie d’Hel, mais certaines sagas tardives et fragments poétiques suggèrent des conflits internes au monde souterrain.Dans un fragment de tradition rapporté par des érudits islandais, Hel aurait eu à soumettre Garmr, le chien monstrueux qui garde les portes de son royaume (souvent identifié comme analogue à Cerbère).
Garmr, enragé par l’afflux des morts avant le Ragnarök, aurait tenté de briser ses chaînes pour attaquer les vivants.
Hel aurait dû le calmer par la force, le retenant au seuil du monde supérieur, assurant que l’ordre du destin soit respecté jusqu’au dernier crépuscule.Bien que peu attestée, cette légende souligne le rôle actif de Hel comme garante de l’équilibre, et non simple spectatrice.
Héritage et représentations modernes

Hel a laissé une trace durable dans la culture nordique :
Dans le folklore scandinave, « Hel » est devenue un mot courant pour « enfer » ou « monde souterrain ».
Les chroniques médiévales chrétiennes ont assimilé Hel à une diablesse, accentuant son image négative.
Dans les arts et la littérature, elle apparaît chez des auteurs romantiques nordiques, dans les peintures symbolistes du XIXe siècle, et plus récemment dans les comics Marvel (comme déesse Hela, inspirée mais transformée).
Dans le gaming et la pop culture, Hel figure dans de nombreux jeux vidéo (Smite, God of War, Assassin’s Creed: Valhalla) et séries (Vikings), souvent représentée avec une esthétique glaciale et une puissance magique accentuée.
Aujourd’hui, Hel fascine car elle incarne la neutralité implacable de la mort : ni maléfique, ni miséricordieuse, mais inévitable.

Conclusion
Hel, fille de Loki et souveraine du monde souterrain, règne sur un domaine qui échappe aux chants héroïques. Inflexible, elle illustre une vérité universelle des sagas nordiques : même les dieux doivent se soumettre au destin et à la mort.Sa figure, tantôt crainte, tantôt respectée, a traversé les âges pour devenir un symbole puissant : la gardienne du passage entre vie et mort, et la mémoire d’un ordre cosmique que même les dieux ne peuvent renverser.








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